vendredi 8 juin 2012

[Diablo 3] La chute d'un ordre

Aklan posa son arme d’entraînement sur le râtelier prévu à cet effet. Il venait de terminer la dernière épreuve visant à sélectionner les nouvelles recrues des chevaliers de l’Ordre de la Lumière. Depuis l’arrivée à Khanduras du roi Leoric et de ses suivants, la vie était calme et la paix semblait régner. Le jeune guerrier avait décidé d’offrir son bras pour préserver cet espoir de vie meilleure. Il était en sueur et son dernier combat lui avait laissé un sentiment de satisfaction qu’il avait du mal à dissimuler. Son adversaire avait été envoyé au tapis grâce à une botte bien pensée à laquelle il s’était entrainé des jours durant. D’un geste rapide, il était passé sous la garde de son concurrent pour lui asséner un violent coup d’épaule dans l’estomac afin de lui couper le souffle. C’était son père qui lui avait appris cette passe d’arme et il commençait à bien la maitriser désormais.

 Il alla se rafraîchir au puits de l’ancien monastère, il devait se nettoyer le visage avant l’annonce des résultats et il priait pour être sélectionné. En pleine force de l’âge, Aklan était plutôt grand et portait une grande couronne de cheveux bruns indisciplinés. Son regard noir et vif était semblable à celui d’un rapace étudiant sa proie. Le regard levé vers le ciel, il se dit que c’était une belle journée pour être adoubé par le capitaine de la garnison. Le grand chevalier Lachdanan avait un pouvoir que peu d’homme possède, celui d’obtenir la confiance inconditionnelle de ses soldats et de chasser la peur qui pourrait hanter leurs cœurs. La journée semblait bien avancée, les examens devaient toucher à leur fin, Aklan prit donc la direction de la cour centrale afin de rejoindre les autres recrues potentielles.L’attente fut brève car un homme de grande stature ne tarda pas à prendre place sur l’estrade surplombant la place. Le jeune homme n’eut aucun mal à reconnaître le chef des chevaliers de l’ordre.

 La liste des reçus fut énoncée à la suite d’un discours enflammé du capitaine rappelant à tous le but et la voie que doit poursuivre tout chevalier qui a su se montrer digne des épreuves.Entrer dans la Lumière et abandonner l’Ombre qui se cache dans nos âmes. Tel était le crédo de cet ordre religieux. Aklan ne put réprimer le cri de joie qui s’échappa de sa gorge au moment où son nom fut cité par l’intendant, enfin il allait pouvoir participer au grand projet de paix du Roi. Il avait donné des années de sa vie pour préparer cet instant, chaque jour était une occasion de parfaire sa technique, de forger son corps afin qu’il ne lui fasse pas défaut durant les combats. Une armure blanche ornée de motifs dorés lui fut remise par l’intendant, le symbole de l’ordre gravé dans la cuirasse réfléchissait la lumière comme un écho de la puissance de leur croyance. Son destrier fut apprêté par le palefrenier, un magnifique étalon noir à la fière stature, une bête splendide qui semblait déjà avoir connu la guerre et qui ne rechignerait jamais à y retourner. Il admira longuement ce qu’il était devenu, tout le chemin parcouru était enfin récompensé, il était enfin un vrai chevalier.

 Les années passèrent et Aklan fut plus d’une fois confronté à une vague de doute dirigée vers son suzerain Leoric. Depuis quelques temps celui-ci donnait des directives critiquables sur leur fond et leur but véritable. Les accusations de trahison se multipliaient, souvent fondées sur de simples rumeurs. Les convictions profondes du chevalier entraient en conflit avec le serment d’obéissance qu’il avait fait à son monarque. Il était impossible que le bon Roi Leoric puisse fomenter quelque chose de maléfique contre son propre peuple, son règne avait toujours été juste. Le jeune chevalier ne pouvait pas se permettre de douter comme cela. Mais il n’était pas le seul à partager ce sentiment de déchirement, Lachdanan aussi voyait d’un œil triste le tournant que l’histoire semblait prendre. Le conseiller du roi envoyait constamment l’ordre des chevaliers en mission diplomatique ou bien étouffer une émeute naissante dans un hameau suite à une exécution discutable. Aklan commençait sérieusement à se poser des questions sur tout ceci… Pourquoi leur capitaine était-il tenu à l’écart et mandaté à l’extérieur à chaque fois qu’il semblait s’inquiéter à propos du roi? Lazarus essayait-il de cacher quelque chose? Que pouvait-il bien se passer au cœur de la salle du trône. Le roi semblait affaibli et malade depuis quelque mois, il avait perdu de sa superbe avec le temps. Une dégradation qui pouvait peut-être avoir un rapport avec le changement de politique qui semblait prendre de l’ampleur. 

Jours après jours, les atrocités ordonnées par le souverain poussait les chevaliers à remettre de plus en plus en question la santé mentale de leur dirigeant. Comment quelqu’un se targuant de servir la lumière pouvait-il ordonnancer de tels actes de malveillance? Il était contre la nature humaine de traiter ses semblables ainsi: torture, exécutions, expéditions punitives. Par moment, Aklan se demandait s’il n’était pas devenu un simple mercenaire… une lame au service d’un fou. Il entrait parfois en conflit avec Lachdanan à propos de ce sujet, mais il fut remis à sa place car un chevalier ne doit jamais douter de l’intégrité de son seigneur. Ce discours sonnait pourtant terriblement faux dans la bouche du valeureux capitaine.

Aklan argumentait souvent avec le capitaine à propos de leur situation, pour le jeune chevalier, il n’était pas normal pour un chevalier d’exécuter quelqu’un sans procès équitable et surtout sans preuve de la culpabilité de cette personne. Mais la parole du Roi faisait office de loi, il était le représentant de la lumière sur leurs terres et il était hors de question de mettre sa parole en doute, du moins en théorie. Les principaux opposants à la couronne étaient souvent accusés de trahison ses dernier temps. Puis le jour que tous redoutaient arriva, la folie du Roi l’avait poussé à déclarer la guerre au royaume de Westmarch. Selon les dires de certains notables de la cours, Lazarus avait percé à jour une conspiration contre le royaume. Aklan n’était pas convaincu du bienfondé des rumeurs alimentant ces idées. En quoi ce royaume qui n’avait jamais rien fait de mal et encore moins attaqué leurs terres pouvait-il comploter contre Leoric? Les ambassadeurs étaient envoyés en mission et peu revenaient en vie.

L’opposition aux plans du Roi, qui se faisait de plus en plus forte, s’émaillait au fur et à mesure que les pertes grandissaient. Aklan était outré de voir qu’une guerre était en préparation, le but des chevaliers n’était pas de dispenser la mort au nom d’un Roi aillant succombé à sa propre folie. Comment avaient-ils pu laisser la situation s’aggraver à ce point? Le guerrier était perdu, ne sachant plus à qui vouer sa fidélité, il commença à douter. Tout ceci n’était pas juste, il n’avait pas passé sa vie entière à défendre la lumière pour être, du jour au lendemain, envoyé au front massacrer des innocents. Il débattit longuement du sujet avec son capitaine, leur point de vue était le même, seul un fou pouvait déclarer une guerre sans raison valable et vérifiée. Mais les ordres étaient les ordres, ils ne pouvaient pas se défiler, ils étaient liés par le serment.

Les troupes de Lachdanan furent envoyées au front, le Capitaine avait émis son désaccord sur le sujet auprès du Roi. C’était une perte inutile en vie humaine, mais le devoir primait toujours sur le doute personnel, telle était la politique du royaume et Leoric n’hésita pas à lui rappeler. Ils prirent donc la route, chacun savait qu’ils avaient peu de chance de revenir de ce conflit à dix contre un en terrain ennemi. Les circonstances de cette guerre étaient aussi bancales que la santé mentale du Roi et de ses conseillers. Telle était la pensée d’Aklan.

Les mois passèrent, les soldats tombèrent, la guerre n’était qu’une vaste blague burlesque dont les principales victimes furent les chevaliers de l’ordre. Peu d’entre eux restaient encore fiers et droits sur le champ de bataille. Lachdanan portait avec honneur l’étendard de la section, jamais son amour pour son pays n’avait failli durant toutes ces horreurs, Aklan ne pouvait être qu’admiratif devant tant de courage et d’honneur. Le chevalier avait vu tomber nombre de ses amis durant ce combat, Amal, tué durant la bataille des portes de Westmarch par un carreau d’arbalète. Dalim, frappé par un tir de catapulte en pleine charge. Autant d’amis perdus que rien ne pourrait ramener du royaume des morts. Quand l’issu du combat fut certaine, le capitaine pris la terrible décision de battre en retraite pour sauver la vie de ses derniers hommes. Aklan soutenait le capitaine dans sa décision, tout ceci était inutile et les chevaliers ne méritaient pas de se sacrifier au nom d’une folie. Il aida les survivants à quitter le champ de bataille et se résigna à abandonner les cadavres des autres sur le terrain. Laisser derrière lui les dépouilles de ses camarades était un crève-cœur, il perdit définitivement foi en son suzerain à ce moment-là, lorsque le bilan de cette guerre ne permettait plus aucun doute. Une guerre n’a d’utilité que si elle a un but valable forçant les soldats à donner leur vie. Là ce n’était pas le cas.

Le retour au royaume fut rude et de nombreux hommes périrent des suites de leurs blessures. Mais une dernière mauvaise surprise les attendait à leur arrivée. Le Roi avait définitivement sombré dans la folie, les villages étaient à feu et à sang, la garde personnelle de Léoric massacrait les supposés traîtres a la couronne. Leur surprise fut totale lorsqu’eux-même furent accusés de haute trahison, il était pour eux impossible de tourner leurs armes contre des frères, des amis, des compagnons. Aklan était furieux contre lui-même, comment avait-il pu laisser faire de telles choses. Sa patrie avait été souillée, son peuple était massacré au nom d’une accusation fallacieuse émise par un monarque dément. Mais la folie semblait être reine ici et lorsque Lachdanan donna l’ordre à tout le monde de se défendre, ils comprirent que le temps n’était plus aux larmes et à l’incompréhension. Il fallait combattre pour leurs vies et tenter de mettre un terme à ce désastre. Aklan avait saisi l’importance de la situation, tirant son acier au clair, il cala sa charge sur celle de son capitaine, leur but était clair, éradiquer les forces du Roi déchu et percer les défenses du château pour mettre fin au règne du fou.

Les gardes tombaient sous les coups des chevaliers, un bain de sang qui ne laissait pas le vétéran indifférent, le chevalier avait quitté une guerre pour mieux tomber dans les bras d’une autre, fratricide celle-ci. Combattre pour leur vies, telle était la triste réalité et Aklan mettait ses dernières forces pour ne pas faillir à sa mission. Leur assaut les mena devant les portes du bâtiment royal. Le palais n’était plus que l’ombre de lui-même, noir, comme déformé par une force maléfique que rien ne semblait pouvoir faire faiblir. Il surplombait ce qui était désormais devenu un champ de bataille où s’entretuaient les anciens compagnons. ‘’le Roi ne peut plus être sauvé’’, tels furent les seuls mots que notre capitaine prononça. Des mots lourds de sens ne laissant pas place au doute, nous devions avancer dans les dédales de couloirs du palais. Ceux-ci était définitivement différents des dernières fois où Aklan avait eu le privilège de les arpenter. L’air était lourd, des ombres semblaient danser un ballet macabre le long des murs, des hurlements à glacer le sang des plus braves d’entre eux montaient du fond des catacombes Horadrims.

Quelque chose s’était réveillé durant leur absence, mais personne n’aurait pu dire quoi. Cette chose arrivait à faire trembler le chevalier de peur, il ne devait pas laisser la terreur le paralyser ou cela risquait d’être sa dernière erreur. L’opposition faiblissait, les gardes tombaient les uns après les autres, une victoire qui laissait un arrière-gout désagréable dans la bouche des chevaliers, d’aucun n’aurait pu imaginer devoir commettre un tel outrage à leur serment pour leur retour au pays. Lorsqu’ils pénétrèrent dans la salle du trône ils durent faire face à un bien pitoyable spectacle, le Roi déchu se tenait vouté devant son siège, l’allure misérable et les yeux ravagés par la folie. Aklan ne reconnut plus celui à qui il avait prêté serment, ce n’était plus qu’une dépouille qui paraissait vidé de son essence humaine. Leoric accusait les chevaliers d’avoir kidnappé son fils et d’avoir ourdi un complot contre sa famille. Toute personnes encore saine d’esprit dans cette pièce n’aurait jamais pu donner de crédit a un discours si dénué de sens. Aklan ne portait pas plus d’intérêt à ces accusations qu’à une plume venant frapper son armure. La sentence fut logiquement donnée par notre capitaine.

Lorsqu’il transperça le cœur du roi avec sa lame, tout le monde pensait qu’ils en avaient enfin fini avec toute cette folie. Bien mal leur en a pris… Un hurlement surnaturel vrilla soudain les tympans de tout le régiment, il était impossible qu’un tel cri puisse sortir de la gorge d’un être humain. Le chevalier hurlait de douleur, son esprit était ravagé par la puissance de ce cri, comme si le froid plantait ses griffes meurtrières dans le plus profond de son âme. Le Roi, dans un dernier sursaut de folie fit appel à toute la noirceur qui restait dans son cœur pour maudire une dernière fois ceux qu’il considérait comme les responsables de sa chute. Leoric les condamna à une éternité de souffrance et de damnation. Aklan perdit pied dans l’océan de douleur dans lequel la magie l’avait plongé, son esprit était consumé et le froid remplaçait peu à peu la flamme de la vie qui l’habitait. Ses sens s’éteignaient les uns après les autres, la vie le quittait ainsi que sa peau, ses muscles, puis le néant.

C’est ainsi que fut éradiqué l’ordre des chevaliers de la lumière, par la faute d’un seul homme possédé par la folie. Une ère de terreur venait de débuter, bercée par la douce folie de l’homme, cette même folie qui permettait au mal d’installer la terreur dans leur cœur. Diablo venait de renaitre, et sa puissance n’aura de cesse de croître désormais.